Le quartier Montparnasse - Paris 14ème et 15ème

La tour Montparnasse n'est que le symbole émergeant d'une énorme opération d'urbanisme dans le quartier de la gare du même nom.
 

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La gare Montparnasse, un lieu stratégique de longue date
L'ensemble de la gare aujourd'hui
Le projet Maine-Montparnasse
La tour - 1973
La tour de l'Hôtel Méridien-Montparnasse (ex-Sheraton) : 
19 rue du Commandant Mouchotte (14ème) - 1974
Jardin Atlantique, 15ème 
Place de Catalogne, 15ème 

La gare Montparnasse, un lieu stratégique de longue date
La gare Montparnasse est inaugurée le 10 septembre 1840. Elle joue le rôle de terminus de la ligne Paris-Versailles par la rive gauche de la Seine. Elle se situe à l'origine avenue du Maine. Déjà trop petite, elle est reconstruite de 1848 à 1852 par l'architecte Lenoir et l'ingénieur Baude au débouché de la rue de Rennes et du boulevard Montparnasse. Elle est agrandie en 1898 et en 1900, et restructurée en 1930, où on la divise en trois gares distinctes ; elle accueille alors les trains de banlieue, tandis que l'arrivée des trains grandes lignes se fait place Bienvenüe, et que le départ a lieu depuis l'avenue du Maine.
En 1958, Raoul Dautry étudie la délocalisation de cette gare, d'autant qu'un nouveau schéma directeur de circulation à Paris vient d'être créé en 1956.  Un vaste espace de 8 hectares est donc disponible devant la toute nouvelle gare qui sera inaugurée en 1969. Des vieilles rues étroites - les rues Moulin de Beurre, Perceval, Bourgeois... - disparaissent à l'occasion, ce qui représente 420 000 mètres cubes de gravats !

     

L'ensemble de la gare aujourd'hui
Aujourd'hui la nouvelle gare a été remaniée en 1987 par l'équipe de Jean-Marie Duthilleul pour accueillir le TGV-Atlantique  ("Porte Océane"). Elle arbore désormais une longue arche de verre et de métal. Les deux extrémités du hall sont toujours colorées par les fresques de Vasarely, mais les nouveaux aménagements utilisent le béton brut, l'inox et les câbles tendus comme des gréements de bateaux.
Trois immeubles modernes (1965) en forme de "U" dominent la gare ; à l'aile est, 1 000 appartements ont été construits. A l'ouest, on trouvera le siège social d'Air France. Les voies ferrées ont été complètement recouvertes, lors du remaniement de 1987, par une impressionnante structure accueillant désormais bureaux et jardin (voir plus bas).
Curiosité, on trouvera une petite chapelle dédiée à Saint-Bernard et accessible à toutes les religions, dont le lutrin a été sculpté dans une traverse de chemin de fer.

          

Le projet Maine-Montparnasse
A l'emplacement de l'ancienne gare, on prévoit initialement une gigantesque barre de 150 mètres de haut sur 100 mètres de long. Ce projet entraîne un débat esthético-politique extrêmement houleux d'une dizaine d'années. Georges Pompidou rêve alors de faire de Paris un "Manhattan sur Seine", et le ministre de la culture André Malraux, devant la levée de bouclier générale, tranche après une nouvelle étude pour un projet définitif en 1968 : il donne le permis de construire au projet d'Eugène Baudoin, Urbain Cassan, Louis Hoym de Marien et Jean Saubot.
 


La tour - 1973
Les travaux débutent en 1969 et se déroulent jusqu'en 1973. Les architectes doivent faire face à deux contraintes fondamentales. La tour se situe sur un terrain calcaire incapable de recevoir une telle masse. D'autre part, le métro passe sous l'emplacement. Ils choisissent donc de créer un système de fondations unique au monde à l'époque, constitué de 56 piliers de béton armé moulés sur place s'enfonçant à une profondeur de 62 mètres. Le métro passera entre.
Il faut noter que la tour sert de paravent à la gigantesque restructuration du quartier. Pendant qu'elle focalise tous les regards, il n'y a aucune polémique à propos des énormes barres de 50 mètres de haut et de plusieurs centaines de mètres de l'ensemble Maine-Montparnasse.
La tour en chiffres :
- 210 mètres de haut - la plus haute tour d'Europe pendant de nombreuses années, aujourd'hui détrônée par différentes tours à Francfort (Allemagne) et Londres (GB) ;
59 étages avec terrasse ;
Poids de 150 000 tonnes (dont 7 200 tonnes pour l'ossature métallique, à comparer avec les 7 500 tonnes de la tour Eiffel) ;
40 000 mètres carrés de façade vitrée (à comparer avec la Place de l'Etoile, 44 000 m²) ;
25 ascenseurs capables d'atteindre le sommet en 38 secondes ;
6 étages techniques ; 52 étages de bureaux de 1 700 m² en moyenne, pouvant accueillir de 120 à 150 personnes ;
600 000 visiteurs par an.
On remarquera que la tour est subtilement désaxée par rapport à la rue de Rennes, afin de ne pas en boucher la perspective.

               

         

La tour de l'Hôtel Méridien-Montparnasse (ex-Sheraton) :
19 rue du Commandant Mouchotte (14ème) - 1974
Le budget de l'hôtel Sheraton était limité à moins de 50 millions de francs, soit le tiers du coût habituel d'un hôtel de luxe de cette dimension ! Il a fallu inventer un moyen pour donner à cette tour un aspect de grande qualité avec une architecture bon marché.
C'est le challenge qu'ont relevé les maîtres d'ouvrage Sheraton. Ils ont créé une façade en tôle d'acier embouti et peint à chaud en usine, inaltérable, comme l'on fait pour les voitures ! Ce procédé sera repris en 1976 pour le siège de la SNECMA dans le 15ème arrondissement.
Le cladding de la tour est volontairement blanc, pour ne pas faire ressembler l'édifice à une tablette de chocolat, dixit ses maîtres d'ouvrage ! La tour Montparnasse est à peine visée... Les volumes sont cassés en avancées et en retraits pour dessiner un effet de silhouette, et pour verticaliser l'ensemble, les fenêtres marron sont groupées en fines bandes ininterrompues.
La tour dispose d'un auditorium de 3 500m². Sa hauteur est de 116 mètres.

          

Jardin Atlantique, 15ème
Ensemble de bureaux, rue des Cinq martyrs du Lycée Buffon, 15ème
 (architecte Jean Willerval, 1991)
Le nouvel immeuble construit sur la dalle couvrant les voies ferrées et le parking, a été conçu à une échelle plus modeste que les barres environnantes. Les bâtiments en verre sont creusés en hémicycle, écho à la place de la Catalogne.
Le jardin Atlantique a été aménagé en 1995 par les paysagistes François Brun et Michel Péna sur la dalle qui couvre les voies SNCF et le parking de la gare.
Il était fort complexe d'imaginer un jardin sur une dalle ne pouvant recevoir que 20 centimètres de terre. De grands arbres ont pourtant été plantés au dessus des piles de la dalle. Mais ces contraintes ont entraîné un surcoût de l'ordre de 1 à 3 par rapport à un jardin paysager traditionnel.
Les paysagistes ont conçu un "paquebot-jardin" avec de grands mats (sculpteur Bernard Vié), des ponts-promenades, des passerelles, des couleurs blanches et bleues.
On retrouve dès lors dans ce jardin toute une thématique de l'eau et de l'Atlantique, ce qui répond un peu à la fonction du quartier accueillant les personnes venues de l'Ouest de la France. Le jardin est architecturé autour de la pelouse centrale parcourue par des vagues. La pelouse est bordée d'arbres aux essences provenant de contrées atlantiques. On trouvera même une fontaine portant des instruments mesurant la hauteur des précipitations et la force du vent...

     

Place de Catalogne, 15ème
A la demande de la SAGI, maître d'ouvrage, c'est Ricardo Bofill le Catalan qui s'est chargé en 1985 de faire sortir de terre 270 logements sociaux place de Catalogne. Son but ici était de réconcilier les Français avec l'architecture contemporaine, en mêlant dans un grand syncrétisme architecture classique française avec colonnes, pilastres et frontons, et matériaux contemporains. La place ronde, inspirée de l'architecture baroque, a effectivement une allure de monument classique. Ceci dit, tombe-t-on dans le postiche ? Bofill veut cet ensemble "pleinement moderne" en intégrant certes des éléments du passé, mais en les utilisant "à contre-emploi". Ses chapiteaux ne soutiennent rien, ses colonnes de verre sont habitées. Les façades, paraissant être en pierre de taille, sont constituées d'éléments préfabriqués en usine, en béton imitant la pierre.

     

Boris Foucaud.