La
tour Montparnasse n'est que le symbole émergeant d'une énorme
opération d'urbanisme dans le quartier de la gare du même
nom.
La gare Montparnasse, un lieu stratégique de longue date
La gare Montparnasse
est inaugurée le 10 septembre 1840. Elle joue le rôle de terminus
de la ligne Paris-Versailles par la rive gauche de la Seine. Elle se situe
à l'origine avenue du Maine. Déjà trop petite, elle
est reconstruite de 1848 à 1852 par l'architecte Lenoir et l'ingénieur
Baude au débouché de la rue de Rennes et du boulevard Montparnasse.
Elle est agrandie en 1898 et en 1900, et restructurée en 1930, où
on la divise en trois gares distinctes ; elle accueille alors les trains
de banlieue, tandis que l'arrivée des trains grandes lignes se fait
place Bienvenüe, et que le départ a lieu depuis l'avenue du
Maine.
En 1958, Raoul
Dautry étudie la délocalisation de cette gare, d'autant qu'un
nouveau schéma directeur de circulation à Paris vient d'être
créé en 1956. Un vaste espace de 8 hectares est donc
disponible devant la toute nouvelle gare qui sera inaugurée en 1969.
Des vieilles rues étroites - les rues Moulin de Beurre, Perceval,
Bourgeois... - disparaissent à l'occasion, ce qui représente
420 000 mètres cubes de gravats !
L'ensemble de la gare aujourd'hui
Aujourd'hui
la nouvelle gare a été remaniée en 1987 par l'équipe
de Jean-Marie Duthilleul pour accueillir le TGV-Atlantique ("Porte
Océane"). Elle arbore désormais une longue arche de verre
et de métal. Les deux extrémités du hall sont toujours
colorées par les fresques de Vasarely, mais les nouveaux aménagements
utilisent le béton brut, l'inox et les câbles tendus comme
des gréements de bateaux.
Trois immeubles
modernes (1965) en forme de "U" dominent la gare ; à l'aile est,
1 000 appartements ont été construits. A l'ouest, on trouvera
le siège social d'Air France. Les voies ferrées ont été
complètement recouvertes, lors du remaniement de 1987, par une impressionnante
structure accueillant désormais bureaux et jardin (voir plus bas).
Curiosité,
on trouvera une petite chapelle dédiée à Saint-Bernard
et accessible à toutes les religions, dont le lutrin a été
sculpté dans une traverse de chemin de fer.
Le projet Maine-Montparnasse
A l'emplacement
de l'ancienne gare, on prévoit initialement une gigantesque barre
de 150 mètres de haut sur 100 mètres de long. Ce projet entraîne
un débat esthético-politique extrêmement houleux d'une
dizaine d'années. Georges Pompidou rêve alors de faire de
Paris un "Manhattan sur Seine", et le ministre de la culture André
Malraux, devant la levée de bouclier générale, tranche
après une nouvelle étude pour un projet définitif
en 1968 : il donne le permis de construire au projet d'Eugène Baudoin,
Urbain Cassan, Louis Hoym de Marien et Jean Saubot.
La tour - 1973
Les travaux
débutent en 1969 et se déroulent jusqu'en 1973. Les architectes
doivent faire face à deux contraintes fondamentales. La tour se
situe sur un terrain calcaire incapable de recevoir une telle masse. D'autre
part, le métro passe sous l'emplacement. Ils choisissent donc de
créer un système de fondations unique au monde à l'époque,
constitué de 56 piliers de béton armé moulés
sur place s'enfonçant à une profondeur de 62 mètres.
Le métro passera entre.
Il faut noter
que la tour sert de paravent à la gigantesque restructuration du
quartier. Pendant qu'elle focalise tous les regards, il n'y a aucune polémique
à propos des énormes barres de 50 mètres de haut et
de plusieurs centaines de mètres de l'ensemble Maine-Montparnasse.
La tour en
chiffres :
- 210 mètres
de haut - la plus haute tour d'Europe pendant de nombreuses années,
aujourd'hui détrônée par différentes tours à
Francfort (Allemagne) et Londres (GB) ;
59 étages
avec terrasse ;
Poids de 150
000 tonnes (dont 7 200 tonnes pour l'ossature métallique, à
comparer avec les 7 500 tonnes de la tour Eiffel) ;
40 000 mètres
carrés de façade vitrée (à comparer avec la
Place de l'Etoile, 44 000 m²) ;
25 ascenseurs
capables d'atteindre le sommet en 38 secondes ;
6 étages
techniques ; 52 étages de bureaux de 1 700 m² en moyenne, pouvant
accueillir de 120 à 150 personnes ;
600 000 visiteurs
par an.
On remarquera
que la tour est subtilement désaxée par rapport à
la rue de Rennes, afin de ne pas en boucher la perspective.
La tour de l'Hôtel Méridien-Montparnasse (ex-Sheraton) :
19 rue
du Commandant Mouchotte (14ème) - 1974
Le budget
de l'hôtel Sheraton était limité à moins de
50 millions de francs, soit le tiers du coût habituel d'un hôtel
de luxe de cette dimension ! Il a fallu inventer un moyen pour donner à
cette tour un aspect de grande qualité avec une architecture bon
marché.
C'est le challenge
qu'ont relevé les maîtres d'ouvrage Sheraton. Ils ont créé
une façade en tôle d'acier embouti et peint à chaud
en usine, inaltérable, comme l'on fait pour les voitures ! Ce procédé
sera repris en 1976 pour le siège de la SNECMA dans le 15ème
arrondissement.
Le cladding
de la tour est volontairement blanc, pour ne pas faire ressembler l'édifice
à une tablette de chocolat, dixit ses maîtres d'ouvrage !
La tour Montparnasse est à peine visée... Les volumes sont
cassés en avancées et en retraits pour dessiner un effet
de silhouette, et pour verticaliser l'ensemble, les fenêtres marron
sont groupées en fines bandes ininterrompues.
La tour dispose
d'un auditorium de 3 500m². Sa hauteur est de 116 mètres.
Jardin Atlantique, 15ème
Ensemble de
bureaux, rue des Cinq martyrs du Lycée Buffon, 15ème
(architecte
Jean Willerval, 1991)
Le nouvel
immeuble construit sur la dalle couvrant les voies ferrées et le
parking, a été conçu à une échelle plus
modeste que les barres environnantes. Les bâtiments en verre sont
creusés en hémicycle, écho à la place de la
Catalogne.
Le jardin
Atlantique a été aménagé en 1995 par les paysagistes
François Brun et Michel Péna sur la dalle qui couvre les
voies SNCF et le parking de la gare.
Il était
fort complexe d'imaginer un jardin sur une dalle ne pouvant recevoir que
20 centimètres de terre. De grands arbres ont pourtant été
plantés au dessus des piles de la dalle. Mais ces contraintes ont
entraîné un surcoût de l'ordre de 1 à 3 par rapport
à un jardin paysager traditionnel.
Les paysagistes
ont conçu un "paquebot-jardin" avec de grands mats (sculpteur Bernard
Vié), des ponts-promenades, des passerelles, des couleurs blanches
et bleues.
On retrouve
dès lors dans ce jardin toute une thématique de l'eau et
de l'Atlantique, ce qui répond un peu à la fonction du quartier
accueillant les personnes venues de l'Ouest de la France. Le jardin est
architecturé autour de la pelouse centrale parcourue par des vagues.
La pelouse est bordée d'arbres aux essences provenant de contrées
atlantiques. On trouvera même une fontaine portant des instruments
mesurant la hauteur des précipitations et la force du vent...
Place de Catalogne, 15ème
A la demande
de la SAGI, maître d'ouvrage, c'est Ricardo Bofill le Catalan qui
s'est chargé en 1985 de faire sortir de terre 270 logements sociaux
place de Catalogne. Son but ici était de réconcilier les
Français avec l'architecture contemporaine, en mêlant dans
un grand syncrétisme architecture classique française avec
colonnes, pilastres et frontons, et matériaux contemporains. La
place ronde, inspirée de l'architecture baroque, a effectivement
une allure de monument classique. Ceci dit, tombe-t-on dans le postiche
? Bofill veut cet ensemble "pleinement moderne" en intégrant certes
des éléments du passé, mais en les utilisant "à
contre-emploi". Ses chapiteaux ne soutiennent rien, ses colonnes de verre
sont habitées. Les façades, paraissant être en pierre
de taille, sont constituées d'éléments préfabriqués
en usine, en béton imitant la pierre.